dimanche 15 février 2009

E.Hieaux invité du conservatoire de musique d'Oviedo

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Vitrine d'une boulangerie à Oviedo













OVIEDO, février 2009
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Intervention d'Emmanuel Hieaux au Conservatoire de Musique d'Oviedo, Espagne


Présentation

Il me semble juste et nécessaire que je vous fasse part brièvement du chemin que je suis depuis longtemps et qui aujourd’hui me mène à vous.
C’est une grande chance pour moi et j’en ressens une joie profonde et un honneur intense.
A l’âge de 4 ans, je traçais innocemment des toutes petites mélodies sur des bouts de papier. Et je me disais : « ça y est, j’écris du Ravel !... Hélas, ce n’était pas du Ravel.
Mais, alors, très tôt, j’ai eu le sentiment étrange, non exprimable encore, que tout au long de ma vie, j’allais devoir cheminer pour rendre compte sur le papier de mon imaginaire et de l’intuition de son espace sonore et de don déroulement dans le temps qui l’animait. Pouvoir rejoindre la mémoire qui m’a précédé et l’exprimer dans un langage structuré et moderne.
Toutes les années d’apprentissage scolaire ont été consacrées aux sciences - dans le désir de faire de la recherche biologique - et les années universitaires en littérature. Toujours partagé entre la rigueur de l’analyse scientifique et la poésie.
Ce n’est que plus tard, à l’âge de 25 ans, que le petit Poucet que j’étais a pu retrouver les petits cailloux blancs semés pendant l’enfance ; cela grâce à ma rencontre avec le compositeur Jacques CASTEREDE, 1er prix de ROME et professeur d’analyse du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. J’ai travaillé sous sa direction pendant plus de 10 ans. J’ai étudié simultanément l’harmonie, le contrepoint et l’analyse.
Ainsi ai-je pu être sensible à l’exigence acoustique verticale, au déroulement narratif horizontal et à la justification de la cohésion intrinsèque d’une pièce.
A tout cela s’ajoutait chaque semaine la libre composition de quelques pages me permettant de rejoindre ainsi, l’imaginaire sonore.
Ainsi ai-je été mis de nouveau devant ce paradoxe associant d’une part l’acquisition de règles et la discipline qu’exige la maîtrise de l’écriture et, d’autre part, le fait de ne pas se couper de son intuition qui est à la source de la sincérité de son travail. Et cela à chaque nouvelle pièce. Liberté–discipline, imaginaire–justification… entités opposées qui se nourrissent l’une de l’autre.
Paradoxe auquel sont confrontés les interprètes qui doivent décrypter la musique qu’ils vont offrir à leur public tout en devant trouver cet accord essentiel avec eux-mêmes à travers leur propre timbre, leur propre jeu, en toute sincérité.

ASPECTS ESTHETIQUES
Je pense ne faire partie d’aucune école, non que je me méfie d’elles, mais malgré moi, je n’arrive pas à me plier à un système dont les règles qu’il édicte sont absolues. Je ne tire ni gloire, ni satisfaction à cela.
A – Y a-t-il une cohérence au-delà de tout système ?
Je voudrais justement vous faire part d’une anecdote qui pourrait éclairer cette démarche esthétique relativement indépendante.
Je désirai rendre à mon professeur d’écriture et de composition Jacques CASTEREDE, une introduction symphonique pour orchestre à cordes. Mon souhait était d’arriver, comme nombre d’illustres compositeurs y avaient magnifiquement réussi, à faire entendre les douze sons de la gamme chromatique dans chaque mesure, sans qu’aucun ne soit répété pour qu’il n’y ait aucune prédominance d’un son sur l’autre. L’introduction devait faire près de 80 mesures. J’ai suivi tout au long de la pièce ce système établi. A la relecture, je trouvais que la cohérence auditive de l’ensemble me convenait à l’exception des deux dernières mesures que je trouvais être très faibles par rapport au déroulement de l’ensemble et sur le plan harmonique.
Je pense que cet avis nait d’une intuition esthétique qui ne peut être justifiée par le raisonnement pur. J’avai donc décidé de trahir ce système en modifiant chacune des 2 dernières mesures d’une note. Pourrait-on appeler cela une licence poétique ?
Un jour, j’ai eu la chance de rencontrer le pédagogue et compositeur Jacques Chailley qui se demandait si nous avions encore le droit d’écrire un accord parfait de nos jours. Comme je vous en reparlerai plus en détail tout à l’heure, il m’arrive d'écrire des accords parfaits issus d’accords très riches de notes étrangères. Tant que cela n’altère pas la cohérence du discours sonore de la pièce. Bien sûr, cela est toujours difficile, voire impossible à justifier. Y a-t-il une cohérence au-delà de tout système ?
B – M’arrive t-il d’utiliser le quart de ton ?

M’arrive t-il d’utiliser le quart de ton ? Très rarement, mais parfois dans un solo de violon, lors de la résolution d’une tension mélodique, retrouvant ainsi l’articulation sonore de certains instruments non tempérés.
J’ai beaucoup aimé un concert donné par Miguel Estrella et son quatuor d’instruments non tempérés issus de la campagne argentine. Malgré une justesse toute relative, tout se mariait très bien et l’écriture des pièces y était pour beaucoup certainement.

C – Une esthétique dans la recherche et le travail du développement narratif

J’essaie toujours d’éviter l’utilisation de procédés que je trouve contraignants parce que trop tributaires de l’esthétique d’une époque. Par exemple les marches harmoniques, la réexposition qui utilise les transpositions, ce qui rend à mon sens, les structures trop évidentes.
Par exemple, dans la sonate pour piano et violoncelle que nous sommes en train de travailler Teresa Vanlente-Pereira, Bruno Belthoise et moi, le thème n’est jamais réexposé exactement de la même façon mais se modifie au fur et à mesure de sa narration, pouvant entrainer de multiples développements.
Tout cela peut préfigurer une définition de la modernité, non exhaustive bien-entendu. Pour moi, la modernité est un éclairage différent des acquis anciens issu de ces acquis eux-mêmes. Elle serait issue d’une longue et incessante révolution qui ne peut se satisfaire en toute sincérité de l’absolu des systèmes tout en s’y appuyant.

INFLUENCES

Certaines influences sont conscientes, d’autres ne le sont pas. Certains compositeurs peuvent influencer par le contenu mélodique et harmonique de leur musique, d’autres par la forme.
D’abord, une influence consciente : celle de mon professeur Jacques CASTEREDE, dans le rapport des différents mouvements constituant ses compositions. Son concerto « Paysages d’automne » se termine par un mouvement lent ainsi que sa sonate pour piano et alto. De même son quatuor avec piano « Avant que l’aube ne vienne » ; les seconds mouvements étant les mouvements les plus rapides de ses œuvres. J’ai tout de suite été convaincu parce que l’ordre de ces mouvements : modéré, vif, lent me correspondait intérieurement.
Je me suis permis de reproduire cela dans la sonate pour violoncelle et piano, dans les « Danses de l’heure blanche » pour alto et piano créées par Jean-Claude Dewaele et Bruno Belthoise ainsi que dans « Le chant retrouvé », quintette pour piano créé par le Quatuor Kocian et la pianiste Yvan Klansky.
Jacques CASTEREDE n’a jamais ni souhaité, ni essayé d’influencer mon langage musical en, souhaitant m’inculquer le sien ou celui d’un autre compositeur. Il est vrai que Schumann, Bartok, Ravel m’ont particulièrement impressionné.

Je me rappelle très précisément un fait qui rend compte des liens très sains entre le maitre et l’élève. Cela se passait lors de la remise des pages d’ « Absence », deuxième des trois poèmes d’Eluard choisis.
Jacques CASTEREDE avait repéré une importante faiblesse au sein du discours harmonique et narratif sur quelques mesures au centre de la pièce. Je cite de mémoire : «Ca, ça ne va pas, tu ne peux pas garder cela, tu pourrais envisager de faire ceci ou peut-être cela ». Sans me le dire clairement, il pensait que c’était à moi seul de corriger la faille en apprenant à maîtriser ma propre liberté afin qu’elle soit conséquente. Je me mis à la tâche et avait l’impression très juste, je crois, de me retrouver dans un exercice de contrepoint à devoir corriger une mesure défectueuses. La pièce devenait exigeante et c’était au compositeur d’obéir.
Quelques semaines plus tard, je remontrais cette page et il me dit : « il n’y a aucun problème, pourquoi me remontre-tu cela ? » C’était gagné. J’avais compris que la pièce avait toute autorité pour exiger sa cohérence de fond et de forme.

TECHNIQUES D’ECRITURE

Tout ce qui a été dit précédemment peut me mener à vous parler de ma technique de composition. Cela est encore plus délicat. Il faut d’abord que vous sachiez que je ne peux écrire pour un ou plusieurs instruments, si je n’entends pas précisément leur timbre et leur résonnance. Tout part d’une audition intérieure. Il y a parfois des pages qui s’écrivent très rapidement lorsque tout m’est donné d’entendre ; par exemple le 2ème mouvement de la sonate pour violoncelle et piano a été écrit d’un trait, en moins d’une journée. La dernière pièce que je suis en train d’écrire pour violon, violoncelle, guitare et piano me prend en revanche beaucoup de temps et n’avancera rapidement que lorsque la construction sonore sera parfaitement entendue.
Une fois cela acquis, le discours se développe rapidement parce que les repères ont été trouvés. Je ne peux pas, contrairement à beaucoup de compositeurs, faire un plan abstrait et orchestrer par la suite. Une fois que j’ai trouvé une cohésion sonore, l’intuition du discours permet une écriture rapide.

Alors je ne crois pas que l’on puisse parler en ce qui concerne mon travail de technique; mais plutôt d’une alchimie qui demande une grande obéissance à son écoute intérieure, à son intuition malgré le doute qui assaille et qu’il faut accepter.

Maintenant, me permettrez-vous de profiter de cette répétition pour me permettre d’aborder certains détails pouvant illustrer ce qui a été dit précédemment ? Il faut avoir cependant conscience que l’éclairage qu’offre le compositeur sur sa propre musique n’en est qu’un parmi d’autres et pas forcément le plus juste.

REPETITION COMMENTEE
La musique que j’écris pourrait être définie comme une musique tonale, parfois à couleur modale, sous-tendue par de nombreuses notes étrangères dans l’harmonie, les contre-chants et parfois au sein des thèmes mêmes. Je ne peux me résoudre à qualifier cette musique d’atonale. Conserver cette charpente tonale dans l’écriture « orthographique » des altérations accidentelles permet une lecture analytique plus aisée et plus claire du discours narratif : - les termes servent de fil conducteur ; les notes qui constituent les différents thèmes, développement, ou commentaires prennent leur sens au sein des phrases musicales elles-mêmes en fonction du rôle qu’elles ont par rapport à al tonalité.

ŒUVRE : « Sur 3 poèmes d’Eluard »

Genèse : Ce cycle a été composé en 1988. La première des 3 pièces a été légèrement remaniée en 1994. Elles ont été écrites soudainement après la lecture de ces poèmes extraits d’une anthologie. J’ai ressenti une très vive empathie avec ce qui, à mes yeux, était à la source de l’écriture de ces textes et j’avais le désir de m’y plonger afin d’exprimer ces images et leur sens dans un autre langage.

Présentation :
Je pourrais les appeler : « 3 chants de solitude »
- Miroir d’un moment : exprime la solitude de l’être face à son reflet qui ne lui correspond jamais tout à fait et qu’il ne pourra jamais vraiment rejoindre, sauf au travers de l’imaginaire recréé et au sein duquel tout se mêle

I –
A1 – « il dissipe le jour,
A2 – Il montre aux hommes les images déliées de l’apparence
B1 – Il enlève aux hommes la possibilité de se distraire
B2 – Il est dur comme est la pierre
C – La pierre informe
La pierre du mouvement et de la vue.

A1 – Mesure 1 : 1er thème sur 8 mesures énoncées au piano par carrures de 2 mesures. C’est une ligne horizontale mélodique dans une tonalité de la bémol mineur, avec une couleur modale suggérée par le sol bémol. Ce thèmes sous-tendu par des notes étrangères au contre-chant et aux accords : do bécarre, et ré bécarre – très souvent apparaît le 3ème degré de la gamme en tierce mineure et en tierce majeure par rapport à la tonique – Les accords fréquents suggèrent la présence immobile du miroir en tant qu’objet et matière et les discrètes résolutions à la fin de chaque carrure suggèrent le verbe « dissiper » su premier vers.

A2 – Mesure 9 : Réexposition du thème au violon avec un accompagnement monodique et fluide au piano qui traduit le 2ème vers : « Il montre aux hommes les images d éliées de l’apparence ». La réexposition du thème au violon est prolongée de deux autres carrures avec une modulation en fa dièse mineur qui traduit le mot « apparence » tel un mirage qui se dérobe à notre présence.
La modulation pourrait juste être considérée comme un court glissement : modulation d’emprunt qui, dans ce cas, n’aurait aucune valeur narrative mais elle va prendre la fonction d’un pont et introduire un thème à deux voix :

B1 – mesure 21 : l’une n’étant pas l’imitation de l’autre mais une amorce de dialogue austère entre la réalité et son image. L’image renvoyée n’est jamais celle du modèle : « Il enlève aux hommes la possibilité de se distraire. »

B2 – mesure 24 : La phrase précédente se développe sur un ostinato de 6 croches au violon accompagné au piano d’accords exprimant la dureté du miroir : « Il est dur comme la pierre » auquel s’a joute un trait de violon qui reste emprisonné dans la pierre. La tention harmonique parvient à son apogée.

C – Mesure 30 : Le poète développe la description de la pierre : « La pierre informe, la pierre du mouvement et de la vue » Cela est illustré par un commentaire harmonique – la tension à disparue (prise de recul) – sur lequel se tisse une brève ligne mélodique tantôt au violon, tantôt au piano, tantôt aux deux instruments dans des mouvements contraires ou parallèles, certains de ces mouvements son symétriques, d’autres pas out à fait. Cela suggère le mouvement du reflet face à sa réalité.

II –
D1 – Mesure 35 : « Et son éclat est tel que toutes les armures, tous les masques en sont faussés ». Le commentaire précédent est lui-même développé en deux séquences sur 21 mesures :

D1 – mesure 35 : dans un tempo vif, la première suggère cet éclat avec des motifs brefs et acérés qui ne cessent de s’invectiver.

D 2 – Mesure 44 : Dans la deuxième séquence, l’ostinato en triples croches au piano suggère le renvoi d’une image brouillée et fluctuante par le miroir et qui de nouveau suscite une tension exacerbée.

III –
C’ – Mesure 51 : « La pierre informe du mouvement et de la vie ». Reprise dans une autre couleur tonale mi bémol, la description précédente de la pierre (mesure 3°-35) Cette foi-ci développée sur 21 mesures aussi, et sur des harmonies plus douces et plus lisibles.

IV –
A’B’ – mesure 77 : « Ce qui a été compris n’existe plus ». Réexposition du premier thème aussi en mi bémol, avec quelques cellules du deuxième thème
E avec quelques variantes. L’image du miroir est imparfaite et la retenir par l’analyse et la compréhension est illusoire.

V –
Coda : « L’oiseau s’est confondu avec le vent,
Le ciel avec la vérité,
L’homme avec sa réalité. »

L’écriture rythmique est beaucoup plus souple, la vie reprend son droit dans l’illusion de s’unir à l’autre que l’on croit absolument semblable.

ABSENCE
- Absence : exprime la solitude de l’être ressentie après la perte de l’être aimée. Survivra à ce déchirement un monologue à deux voix.

C’est une élégie qui suit le poème vers par vers ; la musique très modulante, suit les inflexions empruntes d’émotion du poème.
Découpage :
A – Mesure 1 : « Je sors au bras des ombres
Je suis au bras des ombres
Seul. »

B – Mesure 26 : « La pitié est plus haut et peut bien y rester (calmo 2ème page)
La vertu se fait l’aumône de ses seins
Et la grâce s’est prise dans le filet de ses paupières »

C – Mesure 38 : Large 3ème page
« Et la grâce s’est prise dans le filet de ses paupières
Elle est plus belle que les figures des gradins
Elle est plus dure »

D – Mesure 42 : Large
« Elle est en-bas, avec les pierres et les ombres
Je l’ai rejointe »
Rubato àmf accelerando

E – Mesure 49 :
“ C’est ici que la clarté livre sa dernière bataille.
Si je m’endors, c’est pour ne plus rêver.
Quelles seront alors les armes de mon triomphe ? »
Accelerando mf àCroches au piano in tempo sempre.

F – mesure 56 :
“ Dans mes yeux grands ouverts le soleil fait les joints,
Au jardin de mes yeux !
In tempo sempre croches aux piano à in tempo doubles croches au piano

G – Mesure 65
“Tous les fruits sont ici pour figurer des fleurs,
Des fleurs dans la nuit »
Doubles croches au piano jusqu’au stringendo

H – Mesure 69 :
« Une fenêtre de feuillages
S’ouvre soudain dans son visage. »
Stringendo àmf au violon après les doubles croches au piano

I – Mesure 81
« Où poserai-je mes lèvres, nature sans rivage ? »

J – Mesure 83 :
« Une femme est plus belle que le monde où je vis
Et je ferme les yeux. »

K – Mesure 88 :
« Je sors aux bras des ombres
Et les ombres m’attendent. »

Mes Heures

- Mes heures : exprime la solitude accomplie de l’être parce qu’ont été reconnues et acceptées les facettes en apparence contradictoire qui le constituent et l’animent en ne cessant de se métamorphoser chacune en l’autre.

Mesure 1 :
A1 – « Je fus homme, je fus rocher »
A2 – « Je fus rocher dans l’homme, Homme dans le rocher. »
Mesure 30 :
B1 – « Je fus oiseau dans l’air »
B2 – « Espace dans l’oiseau »
Mesure 63 :
C1 – « Je fus fleur dans le froid »
C2 – « Fleuve dans le soleil »
Mesure 81 :
D - : « Escarboucle dans la rosée
Fraternellement seule – fraternellement libre.

L’interprétation et la mise en musique de ces poèmes ne sont que le reflet du « miroir d’un moment ». L’image que l’on perçoit n’est jamais le poème lui-même C’est de cette différence et de cette imperfection, que s’écrivent, se dessinent, se composent de nouvelles pièces.
Apollinaire écrivait : « Tout texte naît de la réécriture d’un texte »

UNE GOUTTE D’OMBRE
mouvement - très modéré et intense - violent et agité. Les premières notes exprimées des cordes portent en elles la déchirure. L’une désormais autre, chemine, se fuit, s’élève, se cherche, s’élance sur le fil du temps obligé, suspendu au dessus de l ‘arrête vive d’un univers en incessante métamorphose. (8mn30)

Ce n’est pas une ombre qui s’étend paisiblement en profondeur. Vous allez entendre le long premier mouvement de ce trio. Il a été composé en 1996. Ce sont des pages toutes en tension rythmiques et harmoniques. Il est conçu dans une forme très simple, la forme Lied : A-B-A.

Le premier thème est conçu comme une anacrouse. Il est donné aux cordes sur deux mesures, la tension harmonique qui marque l’apogée de ce thèmes très bref est longuement développée, amplifiée, reprise, commentée et cela dans un langage toujours exacerbé.
A la différence du deuxième thème, dont l’énoncé au violoncelle est plus long et qui permettra de nombreuses variantes mélodiques et rythmiques que se partageront les 3 instruments.
Ce mouvement dans son ensemble est représentatif d’une des facettes de mon écriture : l’ostinato rythmique ; auquel s’ajoutent des valeurs ajoutées et des pulsations mobiles. Cette instabilité permet au discours narratif de rebondir en ne cessant de se développer sans employer trop de thèmes différents.

Le développement du premier thème se fait dans une narration verticale comme s’il était observé au microscope avec des lentilles de plus en plus grossissantes.
Ce premier thème est en mi mineur dont les harmonies sont enrichies entre autres, des seconds degrés diminués et des quatrièmes degrés augmentés, notes étrangères que j’utilise fréquemment.

Les nombreuses modulations de ce thème n’ont pas de fonction discursive mais elles doivent être considérées comme des éclairages différents et soudains d’une même matière.
Découpage :

A1 - Mesure 1 – 33 : Première exposition du premier thème (mi mineur)
A2 – Mesure 34 – 76 : Réexposition du premier thème. Chacune des expositions se détend rythmiquement mais les harmonies ne sont jamais résolues ce qui ne laisse jamais entrevoir de pause.

B – Mesure 77 – 163 : Exposition et long développement du deuxième thème en ré dièse mineur. Le discours est linéaire à la différence de celui du premier thème. Les harmonies, même dans les nuances piano, sont toujours en devenir et en tension. Effet renforcé par une pulsation mobile et des accents à contretemps.

A3 – Mesures 164-203 : Réexposition à partir de la tension harmonique qui clôt le premier thème avec des variantes.

C – Mesures 205 – 229 : Une coda qui se termine sur la tension harmonique qui clôt le premier thème.